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Journal d'un voyageur du monde
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15 octobre 2002

Dalaï Lama et ses hauteurs

Cela faisait 15 jours que j'étais en Inde. Il me semblait que le temps passait lentement et rapidement à la fois, lentement quand je stationnais 2 ou 3 jours quelque part, rapidement quand je bougeais. Rien d'anormal là dedans, je supposais.

Ce matin, je ne commandai pas un "big canadian breakfast" composé d'une énorme platée de patates sautées avec deux énormes tranches de pain grillé recouvertes de 2 oeufs sur le plat et de tomates et que j'avais eu du mal à finir la veille. Je me contentai donc d'un pancake au miel, délicieux, comme tout ce que j'avais mangé depuis mon arrivée.
Le temps était beau, comme tous les matins et j'envisageai de faire une longue balade en me rendant à Triund, un hameau perché à 2850 mètres d'altitude et distant de 8 Kms (1000 mètres de dénivelé positif !). Le LP affirmait que la balade était superbe. Elle le fut. Je partai à 8H45. Après avoir traversé 4 kms plus loin, le village de Dharamkot, je demandai mon chemin pour entreprendre l'ascension par un sentier étroit et escarpé. Il faisait beau et j'étais en forme. J'eus une étrange sensation en marchant seul dans cette montagne. Une dizaine d'aigles me survolèrent un court instant en tournoyant une dizaine de mètres au dessus de moi mais je ne comptais pas me laisser bouffer. Le sentier grimpait régulièrement en courbes de niveau offrant de superbes vues sur Mc Leod Ganj, Dharamsala et plus loin la plaine du Penjab. Je tombai en chemin, sur une petite gargote qui vendait quelques comestibles et diverses babioles. Stupéfait, je dénichai un livre de Jack Kerouac. Incroyable, l'esprit du vieux Jack était venu jusqu'ici. Cela me rendit heureux d'un coup et je me sentis l'âme d'un vagabond solitaire. Je repartai de plus belle. Je rattrapai 3 jeunes occidentaux (un couple de Romorantin et une malouine) et leur guide indien. Ils étaient jeunes, avaient pris un guide pour la même balade que moi, avaient démarré plus d'une heure avant moi et étaient arrivés une demi-heure après moi ! Pour ma part, j'étais seul, sans guide et largement quadra mais loin d'être encore pourri ! Hé ! Hé! Ils étaient venus en Inde pour la première fois, y restaient 3 semaines et avaient dû revoir sérieusement leur programme à la baisse. Ils avaient l'air un peu paumé mais sympa et comme beaucoup de gens, ils souhaitaient rester quelques jours ici afin de se ressourcer et de se remettre de leurs déplacements.

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mcleod5J'arrivai à 11H30 à Triund. En fait de village, Triund était composé d'un refuge vide, de deux gargotes et d'une masure qui abritait un berger et son troupeau. Je grimpai encore un peu plus haut près d'un endroit où une multitude de drapeaux de prière tibétains claquaient au vent. J'en ramassai quelques uns qui traînaient dans la poussière sans éprouver quelconque sentiment de sacrilège. L'ambiance était étrange et j'avais le sentiment de me trouver en plein milieu d'un cimetière indien d'Amérique du Nord. Après m'être restauré (thali + 2 chappatis), je redescendis tranquillement, le temps commençant à s'assombrir. Des aigles immenses tournoyaient toujours près de moi. En chemin, je croisai un couple suisse qui partait pour un trek de 6 jours devant les amener au sommet du Dhauladdar (4000 mètres). Ils étaient accompagnés d'un guide et de 2 jeunes porteurs d'à peine vingt ans, petits et maigres comme des clous et qui étaient chargés comme des mulets. Ils portaient tentes, matériel de cuisine, bouffe et eau pour 5 personnes et 6 jours de trek, soit 35 kgs chacun ! Ils étaient exténués. Combien devaient-ils percevoir pour ce calvaire ? Les suisses me confièrent qu'ils payaient 15 € par jour et par personne ! Heureux pouvoir d'achat occidental ! Plus loin, près de la gargote où j'achetai finalement le livre de Jack Kerouac, je rencontrai un jeune intermittent du spectacle strasbourgeois en compagnie d'autres jeunes, anglais et israéliens. Il me raconta son arrivée en Inde, à Delhi, une semaine auparavant. Premier voyage en solo, premier voyage en Inde, il avait craqué et même pleuré en se demandant ce qu'il faisait là. Apparemment, il allait mieux mais il redoutait toujours la solitude et s'accrochait à ses compagnons de route comme à une mamelle maternelle...
J'arrivai enfin sur les hauteurs de Dharamkot à 2300 mètres d'altitude et je tombai par hasard sur David. Il avait trouvé une guesthouse sur cette crête d'où il jouissait d'une vue superbe. C'était un endroit paumé mais comme il préférait les endroits "peaceful" loin du bruit et de l'agitation qu'il détestait, c'était parfait. Délaissant les bars, restaurants et autres cyber-cafés de Mc Leod Ganj, il avait choisi cette retraite solitaire identique à son ashram de Rishikesh et j'eus presque envie de le rejoindre là avec mon baluchon. Mais je n'avais pas sa sagesse et je redoutais l'ennui même si l'endroit regorgeait de belles balades et même si les levers et couchers de soleil devaient être somptueux. En tout état de cause, je ne comprenais pas pourquoi il faisait un si long voyage pour se poser dans des endroits si paumés car sans conteste il aurait pu trouver facilement des lieux tout aussi paumés au fin fond de l'Australie... Probablement, le coût de la vie indienne... Nous devisâmes quelques instants mais très vite il me fit comprendre qu'il voulait prendre congé et il me souhaita un bon voyage qui mit un terme à la conversation. J'eus le sentiment que je ne le reverrai plus et curieusement j'éprouvais un pincement au coeur à l'idée de ne plus le revoir car je l'aimais bien que j'étais un peu vexé de son empressement à écourter l'entretien. Bon, pas grave, j'étais moi-aussi "a poor lonesome traveller" et me concentrant sur cette idée, je me rassérénai rapidement. Je rentrai à 17H, fourbu mais pleinement satisfait de ma belle journée de marche où paysages somptueux, saine dépense physique et rencontres multiples et variées avaient fait le plein de mon moral.
Je dînai dans un nouveau resto tibétain où je commandai un theutulk avec des oeufs, plein de légumes et du tofu. C'était un peu moins bon que la veille peut-être à cause du tofu que je n'aimais pas trop. A une autre table, 2 français d'une trentaine d'années accompagnés d'une dame âgée et d'un couple de quinquas italiens, n'arrêtaient pas de parler en français. J'écoutai sans vergogne. L'un des français parlait d'une voix douce et maniérée presque planante. Il était (avec son pote) d'Annecy et venait ici pour la seconde fois consécutive mais uniquement à Mc Leod Ganj, pas en Inde, précisa-t-il (sic !). J'appris qu'il parrainait 2 enfants tibétains (2 filles), qu'il allait organiser une marche près d'Annecy en mai prochain pour défendre la cause tibétaine, qu'il avait rencontré le Dalaï Lama, personne, disait-il, extraordinnaire, un Dieu vivant (ce sont ces mots!). Il avait également rencontré un autre grand dignitaire tibétain dont le charisme était tout aussi foudroyant. Il continua en affirmant qu'il avait aussi échangé avec la soeur du Dalaï Lama (super !) et qu'il résidait dans un monastère tibétain où il pratiquait la méditation et s'appliquait à appréhender le dharma ! Le couple d'italiens ne sembla pas outre mesure impressionné, eux-mêmes ayant déjà rencontré 3 fois le Dalaï Lama en audience publique, ce qui sembla en boucher un coin à notre savoyard tondu de bonnet. J'appris du même coup que le Dalaï Lama était absent en ce moment (à Grasse ? ou à Gratz ?) en tout cas, sûrement en train de se dorer la pilule... Mais il allait rentrer le prochain week-end et reprendre ses audiences publiques. Pour ma part, je ne comptais pas attendre ce jour pour le rencontrer car pour moi, ce n'était qu'un simple bonhomme comme un autre, excepté sa bonne bouille débonnaire qu'on lui prêtait en photo.

Cette discussion imprévue me fit réaliser une nouvelle fois qu'un grand nombre d'étrangers était ici pour s'impliquer fortement dans la cause tibétaine et le bouddhisme même si on y rencontrait aussi des gens qui venaient là parce que c'était à la mode ou en simples touristes (comme moi). Je ne pus néanmoins m'empêcher de penser à tous ces peuples opprimés de la terre, pourchassés, exécutés, exilés et dont tout le monde se foutait royalement, à savoir : les kurdes, les palestiniens, les tchétchènes, j'en passe et des meilleurs...

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