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Journal d'un voyageur du monde
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30 octobre 2003

Adieux à Rafael...

Rafael était triste. Cela se voyait. Il partait le lendemain à Santi Spiritu accompagner sa mère, âgée de 93 ans, à l'hôpital avec l'aide de la Croix-Rouge. Il allait rester avec elle 3 jours, dormant sur un fauteuil et mangeant ce qu'il pourrait, quelques gâteaux par ci, par là, sans doute. Il savait qu'il ne me reverrait pas. Pourtant, il arriva quand même à plaisanter et à parler de choses et d'autres : par exemple, garder les bouteilles de bières supérieures que je lui avais offertes (il n'en avait jamais bu et du coup, il les regardait et les touchait comme un enfant) pour mettre du jus de tomate à l'intérieur une fois bues, ou encore, garder également la bouteille d'eau en plastique que je lui avais laissée la veille pour l'apporter avec lui dans la montagne. Il était retourné aujourd'hui dans la montagne chercher du bois. Il dit qu'il n'en avait plus pour longtemps mais s'en se plaindre vraiment. Il était usé, très malade, fatigué mais il ne demandait rien. Il avait un charisme indéniable. Peut-être me faisait-il penser à mon père ? Je voulais faire quelque chose pour lui mais je ne savais trop quoi. J'achèterai probablement de la nourriture que je laisserai demain à sa soeur qui partageait son foyer. Elle était marrante avec son vieux mégot au bec, ne buvant du rhum qu'une fois l'an, à Noël, et dans sa bouteille personnelle, s'il vous plaît.
Rafael avait un regard d'un bleu-vert profond d'où brillait une étincelle de vie malheureusement noyée dans une lueur de tristesse tout aussi profonde. C'était un homme étrange, troublant. Que pouvais-je faire ? Je devais en parler à Richard à mon retour. Je regrettais de ne pas l'avoir accompagné de nouveau et une dernière fois dans la montagne pour chercher du bois, plutôt que d'avoir choisi de traîner lamentablement sur une plage à touristes déserte, triste, sans âme, bordée de bungalows et d'hôtels de luxe d'une tristesse incommensurable.
J'écrivais ce texte du patio ventilé par une brise fraîche, dans ma maison coloniale digne de  Don Diego de La Vega (les spécialistes de Zorro connaissent). C'était une famille riche, une vraie ruche où grand-parents, fils, belle-fille, petit-fils, ami(e)s et famille passaient et repassaient. Cela n'arrêtait pas une seconde. Ils étaient sympas certes mais il n'y avait pas de véritables échanges et dialogues tant ils avaient l'habitude de voir des touristes défiler dans leur maison. Néanmoins, ils avaient quasiment adopté une jeune italienne bouddhiste (et oui !) qui venait ici depuis 4 ans, régulièrement.
En tout cas, je n'arrivai pas à me sortir de la tête le visage de Rafael, l'homme de la montagne qui adorait partir seul là-haut dans ces endroits où il se sentait si bien. Un endroit où il vivait REELLEMENT pas comme dans la tombe que constituait, à ses yeux, sa maison de Trinidad.

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