Le "Massaky" et le magicien

Le "Massaky", tel était le nom de mon bateau affrété par une jeune équipe de joyeux lurons, joviaux, "déconneurs" et éminemment sympathiques. Morel, le capitaine, (Judi) Caël le bosco, Jacquy et Jacquot (ça ne s'invente pas) les 2 matelots. Pourtant, la jovialité aurait pu rapidement tourner court. Au petit-déjeuner de mon hôtel à Tamatave, je tombai incidemment sur Emmerich, magicien de son état, qui avait animé une soirée au restaurant de mon hôtel à l'île aux Nattes et qui, d'ailleurs, m'avait bien bluffé ce soir là. On papote et voilà que j'apprends qu'il était embarqué sur la même galère que moi mais pour 20 euros de moins. Je compris que je m'étais fait arnaqué. Aussi, dès mon arrivée au port fluvial et sans trop de difficultés, je remis les pendules à l'heure.

Néanmoins, je ne leur en voulus pas et la journée fut des plus agréables sur ce canal jalonné d'immenses lacs qui me fit penser un rien à la région des "Backwaters" du Kérala (toutes proportions gardées). Décontractés, souriants, pleins d'humour, ils nous préparèrent à bord un bon repas agrémenté d'un whisky local qui fit office d'apéro et de digestif. L'ambiance était à la bonne humeur d'autant que M-Rich (son nom d'artiste) nous gratifia de quelques tours de passe-passe qui médusèrent l'équipage.

Et le point d'orgue de cette journée fut  notre arrivée dans un village du bord du canal, où, une bénévole d'une ONG qui se trouvait là, ameuta tout le village apprenant les talents de Emmerich. Enfants et adultes, les gobilles écarquillées, la bouche ouverte, intrigués  voire apeurés, étaient sidérés. Des "AH!", des "OH!", des murmures, des palabres, des cris, fusèrent de partout. C'était touchant de voir ces villageois naïfs et crédules s'extasier devant la magie du "vazah". Moi-même, j'étais à la fois sidéré et touché autant par le spectacle de M-Rich que par la réaction de son public. Ce fut un court moment mais plein d'intensité, d'émotion, de joie et d'émerveillement partagé. Le village voulut d'ailleurs nous garder pour la nuit mais on continua notre route pour se poser dans un hôtel classe au bord d'un lac où le gérant nous gratifia d'une remise honorable après avoir assisté lui-même aux prouesses de mon compagnon de traversée. Mais la journée n'en resta pas là. Nos joyeux drilles décidèrent de retourner au village pour se ravitailler en nourriture liquide. On décida, Emmerich et moi, de les suivre et nous voilà repartit, en fin d'après-midi, sur une vedette rapide sur le canal, façon canonnière du Yang-Tsé.

La nouvelle de notre retour fusa comme une traînée de poudre et en un rien de temps, la place de ce minuscule village de brousse fut noire de monde entourant notre magicien "vazah". Des visages ébahis, des paires d'yeux scintillant, des rires et des sourires, de la joie envahirent cette rencontre improbable. On apprit que certains villageois avaient recommandé à d'autres d'être prudents, que ces "vazahs" étaient probablement des demi-dieux. Un jeune adulte était au bord des larmes et prit à 2 mains celles d'Emmerich pour recueillir sa force, son énergie, ses "pouvoirs". Emouvant ! La nuit était tombée et, à contre-coeur, on dut retourner à notre hôtel où la soirée s'étira fort tard, M-Rich gratifiant le personnel de ses tours de passe-passe simplement sidérants. Merci, Monsieur M-Rich ! Et, chapeau bas !